Photo de tournage, Joël Cubas

Je présente ici mes photos réalisées lors du tournage de "Son of Babylon" au Kurdistan irakien, en octobre 2008. Ce travail décrit les quelques semaines passées avec l'équipe du film. J'en profite pour les remercier. Leur chaleur, leur hospitalité et leur bienveillance m'ont été précieuses.


où trouver plus d'infos



http://www.humanfilm.co.uk/                         site officiel du film

http://www.iraqsmissing.org                            site iraq missing

http://www.facebook.com/sonofbabylonfilm   réseau social du film
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"Son of Babylon", dont le réalisateur est Mohamed Al-Daradji, est un film irakien tourné de septembre 2008 à mars 2009. Il retrace le voyage en 2003 d'une grand-mère et de son petit-fils Ahmed depuis les montagnes du Kurdistan jusqu'aux plaines de Babylone. Apprenant que les prisonniers ont été libérés, la vieille dame n'a qu'une idée en tête : découvrir le destin de son fils, le père d'Ahmed, qui n'est jamais revenu de la guerre du Golfe. A travers ce périple et les rencontres qu'il provoque, le réalisateur Mohamed Al-Daradji aborde une réalité méconnue de l'Irak.

http://www.humanfilm.co.uk/

Scénario: Mohamed Al-Daradji, Jennifer Norridge

Coproducteur: Bader Ben Hirsi, Danny Evans, Producteurs Mohamed Al Daradji, Isabelle Stead, Dimitri de Clerk, Producteur exécutif :Emma Clarke







Le début

8 octobre 2008. Sur le tarmac de l’aéroport de Sofia, en Bulgarie, le petit avion qui nous attend semble sorti d’une illustration des années 1950. L’esprit brouillé de fatigue, je ne vois qu’un vieux coucou bricolé aux ailes brinquebalantes. A l’intérieur, au moment de mimer les consignes de sécurité, dans leurs uniformes gris souris, les hôtesses semblent en pénitence. Je les imagine rêvant de Boeing ou d’Airbus. A la fin de la démonstration, j’ai la maigre consolation de penser qu’en cas d’accident nous périrons pulvérisés, une bouée neuve autour du cou. En dépit de son air pitoyable, l’avion nous transporte miraculeusement à destination.

Nous arrivons en pleine nuit dans le petit aéroport désert de Sulaymaniyah. Après les contrôles d’usage à la douane, je retrouve Mohamed Al-Daradji le réalisateur qui nous attend. Nous chargeons les bagages et roulons vers l’hôtel situé à une centaine de kilomètres de Sulaymaniyah. Des espaces semi-désertiques piqués des lueurs des habitations défilent sous nos yeux. Progressivement, de gros pics rocailleux percent la plaine pour plus loin s’incliner devant de majestueuses montagnes.

Nous traversons longtemps ce paysage chaotique de terre froissée sous la poussée des roches. Nous nous laissons envelopper et bercer, roulant fenêtres à demi ouvertes, la fraîcheur pique la peau. Mohamed commente, et je perds peu à peu le fil de cette conversation en anglais. Le contenu du Harrap’s semble s’être donné rendez-vous ce soir dans sa bouche. A peine ai-je saisi le sens d’une phrase qu’une nouvelle se présente, bousculée d’une cohorte de mots nouveaux. Je tente désespérément de démêler cet écheveau quand tels ces bons génies qui peuplent les contes orientaux, apparaît au loin dans une brume naissante, l’enseigne salvatrice de l’hôtel. Depuis le matin, je n’ai mangé que ces choses indéfinies aux couleurs de jouets qu’on nous sert dans les avions, et je meurs de faim.









Premier jour, présentation de l'équipe de tournage




Mohamed Al-Daradji

Mohamed Al-Daradji est né le 6 août 1978 à Bagdad. Ce réalisateur a la double nationalité irako-hollandaise. Après avoir étudié la mise en scène théâtrale à Bagdad, il part aux Pays-Bas en 1995, où il apprend le métier de cameraman.

En 2003, il réalise "No 438" et "The War". En 2004, il tourne "Ahlaam", puis en 2009 "Son of Babylon".





Shazada Hussein


Shazada Hussein, qui joue la grand-mère d’Ahmed, est une femme plutôt secrète découvrant l’univers du cinéma et ses règles capricieuses. Mohamed Al daradji l’a rencontrée dans un village kurde où beaucoup de femmes sont endeuillées. Elle-même a perdu son mari dans les campagnes de « nettoyages ethniques » orchestrées par Saddam.


Perplexe sur la nécessite de participer à un film, elle finira par se laisser convaincre.


Patiemment elle supportera les aléas du tournage, la fatigue et les longs temps d’attente.







Yassir Taleeb

Mohamed parcourait les villages à la recherche d’un enfant bilingue (kurde et arabe) quand il est tombé sur Yassir. Il était assis à rêvasser au coin d’une ruelle. Non seulement le gamin d’une dizaine d’années parle les deux langues, mais il possède une vivacité hors du commun, fait preuve d’une curiosité insatiable et d’une merveilleuse gaieté.









Yassir déborde de vitalité. En fin de journée, après de longues heures de tournage, il semble conserver intacte son énergie. A tour de rôle, des membres de l’équipe le font bouger, courir, se dépenser pour qu’il ait l’air épuisé que requièrent certaines scènes. Au final, tous sont exténués et Yassir continue à gambader comme un jeune cabri. Une seule fois nous le verrons, vaincu par la fatigue, s’endormir au milieu du tournage.








Salia Zankaa

Salia Zankaa, qui interprète Mahmood, un automobiliste conduisant la grand-mère et l’enfant jusqu’à Bagdad, est à lui tout seul un personnage. Les plans de tournage terminés, il continue à nous distraire. Un peu poète, beaucoup kurde, il entonne des mélopées mélancoliques poignantes ou fait le pitre selon l’humeur. Engagé pour jouer un rôle de chauffeur, il a « oublié » de préciser qu’il ne savait pas conduire et qu’il se sentait trop vieux pour apprendre. Mohamed, le réalisateur, pourra ajouter cette perle au joli collier de soucis qui l’attendent.










L'équipe

Les premiers jours, nous donnons l’image de lycéens à la rentrée des classes. Chacun posté dans une timide réserve jauge l’autre. L’activité sur le plateau est intense. Les rôles sont attribués et chacun remplit sa tâche avec application. On sent, palpable, le désir de réussir ce film et la volonté de ne pas ménager ses efforts. L’enthousiasme général permet de traverser les petites épreuves d’un tournage. Dans cette paradoxale ambiance de « huis clos » en plein air se crée rapidement une proximité entre les gens, un lien singulier fort bien qu’éphémère.


Ahmed al Daradji,Yahya Al Allaq



à droite Abbas Latif
















et aussi Dan, François, Dany, John

Maquillage, habillement et technique

Dès le premier jour, les préparatifs du tournage se mettent en place. On improvise dans ma chambre un salon de maquillage. Pendant un mois, des odeurs de cosmétiques m’accompagnent et, curieusement, des armées de femmes coquettes peuplent mon sommeil. A l’avenir, l’odeur de fond de teint m’évoquera ce séjour.










Répétition

La première répétition est un moment décisif. C'est là que Mohamed sait s'il a fait le bon choix. Les deux acteurs sont parfaits. Seul l'arbre joué à tour de rôle par des gens de l'équipe bras tendus vers le ciel sonne faux. Plus tard, au moment du filmage un décor plus crédible sera posé sur cette terre aride. Il sera volé dans la nuit entre deux jours de tournage. Il est probable qu'un berger se souvienne encore de cette soirée irréelle où rentrant du pâturage il vit un arbre miraculeusement planté dans le paysage. Le feu qu'il en fit pour cuire les brochettes prenait ainsi à ses yeux un caractère magique.











Tournage dans les plaines

Dés l’aube, l’équipe met en place le matériel. Nous profitons de la fraîcheur matinale qui nous le savons se fane vers midi quand le soleil éclabousse le ciel. Nous avancerons alors lestés avec la pesanteur des vieux pandas.



























Des fourmis dans le paysage

A distance, nous offrons le spectacle d’une colonie de fourmis qui s’active à une tâche obscure, et prenons conscience de la juste mesure de tout ces efforts. Le film se fabrique comme un puzzle dont chaque pièce devra s’imbriquer au montage. Un travail délicat et laborieux de dentelière réalisé par une équipe de bûcherons. Des dizaines d’heures de tournage, des centaines de préparation pour raconter les quinze premières minutes de cette histoire.

Sous le soleil qui frappe fort, dans la poussière charriée par le vent, ne pas jeter l’éponge demande beaucoup de conviction. Et c’est sans doute là que réside tout le mérite de l’équipe. La nécessité de témoigner.








Tournage dans les montagnes

Quand le vent souffle, les montagnes kurdes se mettent à murmurer une grave mélopée à peine perceptible. A ce stade du récit, on pourrait penser que j’ai perdu un boulon, que la fatigue ou le soleil ont eu raison de moi. Pourtant, François, le preneur de son, expert en la matière confirme. Un instant, nous nous laissons bercer par la magie du phénomène contemplant ces impassibles baleines échouées dans le paysage, enviant leur douce sérénité.

Ces journées de travail sont heureuses. Les événements s’enchaînent à merveille. Les scènes avancent et chacun fait provision d’optimisme pour les jours sans.
























Dernier jour de tournage

Certains moments, nous parvenons à oublier la situation de l’Irak. Les soldats qui se postent aux abords du tournage, en dépit de leur bienveillance, nous rappellent par leur simple présence cette réalité. Je leur signale que je suis français et en langage charabia, en simplifiant ma pensée « pas amis des Américains, bouh les vilains ». L’ambiance se détend. Ici personne n’est dupe et, malgré les souffrances endurées sous le régime de Saddam et la libération à sa chute chacun est conscient de cette monstrueuse escroquerie que fut la guerre. Aujourd’hui le pays est en lambeaux et tous redoutent l’avenir. Après l’occupation, au-delà de l’espoir, beaucoup ont le sentiment de n’avoir fait que changer de peur.





















La fatigue

Nous arrivons au dernier jour du tournage dans la région. Nous commencions tout juste à nous habituer aux caprices de la voiture qui se prend pour Marilyn Monroe. Il est temps de prendre du repos avant de regagner Bagdad. Ce soir, festin somnambulique et adieu aux montagnes.










La fin



Arrivée à Bagdad

Sur le chemin de l’hôtel, accompagnés par la police sirènes hurlantes, nous croisons ces impressionnants pachydermes de ferraille au sommet desquels trône un soldat américain. Les chars avancent pesamment et les voitures s’écartent sur leur passage cherchant à éviter la proximité de ces cibles rêvées.

Nous traînons pendant une semaine dans ce somptueux hôtel au charme déclinant. Collés devant la télé, nous regardons défiler les clips avec en fond sonore les ballets d’hélicoptères qui patrouillent dans le ciel. Ici, la surcharge pondérale a du charme. Des chanteurs enveloppés évoquent leur belle enfuie. De désespoir, ils s’affalent dans des draps de soie, sur des coussins brodés (le luxe est plus glamour), faisant leur tête de nounours triste à goitre de pélican. Dans une version levantine de « La Femme du boulanger », leur fiancée est partie pour un berger émacié au regard de braise, ou plus probablement pour un amoureux plus dodu et plus fortuné.

Même en période d’embargo, quand chacun commence à pouvoir compter ses os, ces chanteurs parviennent à prospérer. Peut-être apportent-ils cette part de rêve à laquelle on veut se raccrocher quand le monde est simple et tourne plus ou moins rond: des amours un peu bêtes, leurs plaisirs, leurs chagrins, loin, très loin des bombes.


Le troisième jour, nous rendons visite à l’ambassade française, pour connaître leur avis sur la situation de la ville et notre présence ici. Un attentat a eu lieu hier tuant neuf gardes du corps d'un ministre et dans la nuit des tirs et des explosions se font entendre. L'ambassade est éloignée de la « Green Zone américaine », coincée dans ce qui est devenu une sorte de bunker, les conseillers aimables mais fermes nous recommandent sérieusement de quitter le territoire.


Deux jours plus tard le cœur gros, frustrés, déçus, nous nous envolons, François le preneur de son, Dan le chef opérateur et moi-même de Bagdad laissant l’équipe irakienne. Elle terminera seule le tournage.























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